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Ci voli di sminticà i mani frischi. In ‘ssu piovitu chì duppia i casci. Passà davanti à a cucinara, chì riposa ghjacciata in a statina, incù un surrisu pà a ghjatta. U dossu tondu contr’à a porta ‘llu ghjornu. Lampà una bracciata di ligna ‘n u chjaravascu pà un focu più neru che i paroli. È sapè chì d’inguernu s’hà u frittu com’è d’istati in fondu di a frasa ‘lli vechji casi.
Il faut oublier les mains froides. Dans cette pluie qui double les feuillages. Passer devant la cuisinière, qui repose glacée dans l’été, avec un sourire pour le chat. Le dos rond contre la porte du jour. Jeter une brassée de brindilles dans le cahier pour un feu plus noir que les mots. Et savoir que l’hiver on a froid comme l’été au fond de la phrase des vieilles maisons.
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Lacu sta pagina com’è lacu a vita. Incù un fruttu in bucca. U suchju chì mi cola ‘n a cannedda hè pà l’antichissimu curridori ‘llu mondu. Un orchestra ghjoca un baddu fughjitivu in l’onda. Com’è lacu a vita i braccia ‘n a to carri. U surrisu chì tu mi lasci aghjusta una truita in a lingua vadina.
Je quitte cette page comme je quitte la vie. Avec un fruit dans la bouche. Le jus qui coule dans ma gorge est pour le très ancien couloir du monde. Un orchestre joue une danse fuyante dans l’onde. Comme je quitte la vie les bras dans ta chair. Le sourire que tu me laisses ajoute une truite dans la langue rivière.
Je quitte cette page comme je quitte la vie. Avec un fruit dans la bouche. Le jus qui coule dans ma gorge est pour le très ancien couloir du monde. Un orchestre joue une danse fuyante dans l’onde. Comme je quitte la vie les bras dans ta chair. Le sourire que tu me laisses ajoute une truite dans la langue rivière.
In - Se dessine déjà - Gallimard, 2002
Trad. D.R. Stefanu Cesari
Joel Bastard est l'auteur de Casaluna. son dernier recueil, publié en mars 2007. Ecrit depuis la pierre et l'eau, depuis les chemins de rivière nés du San Petrone.
le blog de l'auteur : http://www.joelbastard.blogspot.com/