Badr Chaker AS-SAYYAB

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Quand ils m’ont déposé de la croix, j’ai entendu les vents
en une longue plainte effleurant la palmeraie,
et les pas, de plus en plus loin. C’est ainsi : ni les blessures,
ni la croix où ils m’ont cloué tout au long de ce crépuscule
n’ont pu me tuer. J’ai prêté l’oreille :
le hurlement traversait la plaine entre la ville et moi,
câble qui retiendrait le navire
dans sa chute à l’abîme. Plainte
comme fil de lumière entre le matin
et l’ombre, dans le ciel triste de l’hiver.
Et voici que la ville, tous sens abolis, s’endort.
[...]
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Quand’iddi m’ani toltu da a cruci,
aghju intesu i venta
in un longu lagnu, carizzà i palma
è i passa, luntani di più ‘n più. Hè cussì : ne i mucaturi
ne a cruci indò ch’iddi m’ani inchjudatu – l’attrachju dura
ùn m’ani tumbu. Aghju pustiatu :
un mughju travirsàia a piana tra u pasciali ed eu
funi chì tinarìa u batellu
mentri a so caduta in l’abissu. Lagna
com’è fil’ di luci tra a mani
è l’umbra, in u cel’ tristu di l’inguernu.
Ed eccu chì a cità, sintimentu persu, s’adurmenti.
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in --- Le Chant de la pluie --- ed. Actes Sud / Unesco --- 1977
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trad. André Miquel / Stefanu Cesari
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