Marie ETIENNE

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Je partis de chez vous à la lumière des torches. J'embarquais, je partis.

Vous ne savez plus rien de moi, vous ne pouvez me faire signe. Je dure devant la mer comme une femme qui a toute sa force mais j'ai coupé ma chevelure.

Ils disent : Nous avons entendu parler d'elle. Ils s'éloignent de moi.

Parfois ils me demandent. Je leur cède mon corps, emportée loin de vous, je ne suis plus à bord, quoiqu'il advienne, eux scrutent ma beauté, allongés sur le sol de ma chambre. Je leur dis : Je vis seule. Je m'endors.

Je construis votre absence. Je pèse votre absence. Je l'entends. Je l'étreins. Vous êtes le néant dont je suis affolée. Le soir arrive, le vent lui manque. À l'extrême de la mer, l'horizon redevient pacifié.

Je suis vivante, brûlée à la douleur mais vivante. Je pleure sans violence.

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... Partisti d'indè vo à a luci di i fiàcculi. Imbarcaiu, partisti.

...Ùn sapeti più nienti di mè, ùn mi pudeti fà segnu. Duru davant'à u mari com'è una donna ch' hà tutta a so forza ma mi socu taddatu a capiddera.

... Dìcini : N'emu intesu parlà, d'idda. S'alluntanìghjani di mè.

... Certi volti mi dumàndani. Li cedu u me corpu, purtata à longa da vo, ùn socu più à bordu, veni ciò chì veni, iddi mi spiculìghjani a billezza, stesi in tarra 'n a me càmara. Li dicu : campu sola. M'addurmentu.

... Custruiscu a voscia assenza. Pesu a voscia assenza. A sentu. A mi stringhju. Seti u nianti, chì ni socu spersa. Ghjunghji a sera, li manca u ventu. À u stremu 'llu mari, l'urizonti riduventa pacificatu.

Socu viva, brusgiata à u dulori ma viva. Piengu senza viulenza.

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in --- Le Livre des recels --- Flammarion --- 2011

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trad Stefanu Cesari

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Jean François AGOSTINI

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Un mois s'achève ------- Sur la vitre un papillon tourne
près de la tour -------------------- elle-même plus loin
dans le temps ---------- et l'argent bleu du petit matin
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Le robinet goutte ---- à goutte augmente ------- le son
de l'horloge à quartz ------------------- la visibilité des
vibrations ------------------- le mouvement de l'enfoui
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Du miel de ronces ---- à boire ---- du café ----- du pain
noir ---------- le châtaigner ---------- usé à la place du
père --------- quelques miettes éclaircissent les veines
On entend --------- quelqu'un franchir la porte-fenêtre
Un lourd pas s'en va
---------------------------La main tendue aux oiseaux
s'éloigne---------- dans l'haleine liquéfiée ---- du verre
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Un mesi finisci ------------------ Nant'à a vitrata gira
a barabàttula --- pressu a turri ---- idda puri più indà
'n u tempu ---- -- -- è l'arghjentu grisgiu di primmalba
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U rubinettu goccia ---- à goccia cresci --- -- -- u sonu
di l'urloghj' à quarzu ----- --- -- ----- ------ a visibilità
'lli vibrazioni ---- ---- ----- u muvimentu di u 'nfussatu
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meli di lama ------ à bia ------ caffè ------------- pani
neru --------- u castagnu ----------- frustu à a piazza
'llu babbu -------- ---------- rimùnduli à chjarià i veni
si senti ------ ------ à calchissia varcà a portafinestra
Un passu 'n pesu movi
----------------------------A mani purghjut' à l'aceddi
s'alluntanighja --- in l'ansciu liquificatu -- --- 'llu vetru
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in --- Généalogie de l'algue --- éditions Jacques Brémond
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trad. Stefanu Cesari